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Voter Macron: un acte de piété républicaine

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Comme l’a montré cette élection présidentielle française, l’exercice démocratique dans les pays du « monde libre », ne consiste même plus à convaincre au moins 50 % des électeurs de voter pour le candidat voulu par le système, mais seulement un cinquième d’entre eux.

Parallèlement à la fabrication du candidat destiné à l’emporter, on met en avant, en miroir, celui qui, lors du second tour, doit lui servir de repoussoir ultime aux yeux de l’opinion publique. Lui aussi doit absolument accéder au second tour, car c’est à cette seule condition que l’on peut être certain d’une victoire finale écrasante.

Politiques et médias, de tous les bords politiques prétendument antagonistes (l’orientation étant évidente entre le premier et le second tour de l’élection), dans un unanimisme total, à longueur d’émissions, de unes, d’articles, de discours, brossent du challenger un portrait monstrueux, terrifiant, apocalyptique, dans le même temps où celui qui a été préalablement choisi pour régner se voit tresser louanges sur louanges : « c’est lui le candidat du renouveau ! c’est lui le rempart contre la haine ! c’est lui la promesse d’un avenir radieux ! Tous en marche avec Macron !»

Comme le coup marche à chaque fois depuis tant d’élections, pourquoi s’en priver : même si ce candidat du système suscite la méfiance, voire la répulsion, aux yeux d’une grande partie des 80 % qui n’ont pas voté pour lui au premier tour : il est finalement élu par ce tour de passe-passe avec une majorité de 70 %.

De nombreux électeurs ont bien une impression de déjà-vu au moment de glisser le bulletin du « sauveur » dans l’urne, beaucoup d’entre eux votent finalement pour lui « en se bouchant le nez », mais tout de même ils jouent le jeu. Nombre d’entre eux envisageaient de s’abstenir, mais finalement une force supérieure, irrépressible, le dimanche du second tour, met en action leurs jambes vers le bureau de vote où ils accomplissent finalement ce qu’ils ressentent comme leur devoir.

M. Macron est un pur produit du monde de la finance, que dénonçait son prédécesseur François Hollande avant d’accéder au pouvoir il y a cinq ans, il n’a jamais été élu à aucune élection, il a largement participé, en tant que conseiller de Hollande, et en tant que ministre de l’économie, à l’exécrable bilan économique du dernier quinquennat, il a été rallié par cinq des dix plus riches milliardaires de France, il a été rallié par tous les ténors politiques et intellectuels de droite et de gauche qui, a des degrés divers, sont les responsables directs de la plongée vertigineuse vers l’abîme de la France depuis 30 ans ; il a beau avoir été conçu et mis sur orbite (certes dans la discrétion), par François Hollande, le président le plus impopulaire de la 5ème République, devant Sarkozy, ce qui n’est pas rien, les électeurs, aveuglés par la fièvre de cheval que leur a filé le rouleau compresseur de la propagande, les semaines passant ont perdu toute mémoire et toute lucidité, et c’est avec une sorte de foi du charbonnier des temps modernes, secondée par une mémoire de poisson rouge, qu’ils finissent par se précipiter presque tous ensemble, en troupeau de bœufs apeurés, vers le sombre abîme qu’on leur a présenté comme une prairie verdoyante.

Autrefois les hommes croyaient en Dieu, au miracles justes, à la promesse de la vie éternelle en rétribution d’une existence vertueuse, suivaient la direction morale des prêtres, faisaient confiance à un Roi issu d’une lignée multicentenaire. Au XVIIIème siècle, on les libéra de ces chaînes, on leur inculqua que cette vie religieuse avait tous les traits les plus condamnables de la bêtise, de la corruption, et de la superstition, et que le pouvoir royal était l’incarnation de la tyrannie la plus cruelle et la plus injuste ; on les convainquit si bien que lorsqu’ils se « souviennent » aujourd’hui de ces époques longues et reculées de la vie de leurs ancêtres, beaucoup conviennent aujourd’hui qu’ils ont le privilège de vivre dans un monde dans lequel ils sont enfin libres, débarrassés des préjugés obscurantistes de la religion et du joug tyrannique de la monarchie, et enfin guidés par le seul pilote qui vaille en ce monde : la belle, noble, et infaillible raison.

Mais voilà ce qu’on ne leur a pas dit : en leur ôtant ces liens, on ne leur a pas ôté l’habitude qu’ils avaient contracté d’en être emmaillotés. Ce n’est pas d’un coup de baguette magique que l’on peut se couper de toutes les attaches anciennes et s’éveiller à l’exercice lucide de sa liberté. On a ainsi pu profiter de cette disposition mentale séculaire pour réorienter les esprits dans une autre direction, et, comble de la perversité, ce qu’on leur fait croire à présent, c’est qu’ils prennent leurs décisions électorales guidés librement par la raison pure, tout en faisant en sorte que tout jugement qu’ils portent sur les sujets les plus importants soit invariablement faussé, et en accord avec les objectifs occultes de leurs nouveaux marionnettistes, objectifs qui leur sont, eux aussi, invariablement nuisibles.

C’est ainsi qu’après avoir été façonné par l’Église, ils ont été repris en main par l’École de la République ; c’est ainsi qu’après avoir cru en la sagesse du pouvoir royal ils croient à la sagesse du pouvoir parlementaire républicain ; c’est ainsi qu’après s’être entièrement fiés en la parole de l’Église et de ses prêtres, ils se fient entièrement en la parole des journalistes, intellectuels, et hommes politiques, qui font la pluie et le beau temps dans les grands médias ; c’est ainsi que la prière du matin et du soir a été remplacée par le flash de France info et le Journal Télévisé de TF1 ; c’est ainsi que lorsque la nouvelle Église leur désigne les hommes et les idées qu’il faut aimer et suivre ou haïr et persécuter, ils suivent au quart de tour les injonctions venues d’en haut et se joignent, en automates, à la foule des adorateurs ou des persécuteurs : c’est ainsi qu’ils ont pu se prosterner, passant d’un credo à un autre, avec une docilité aussi déconcertante, devant de nouveaux objets, lieux, événements, personnages, désignés comme sacrés, tout en étant persuadés d’y avoir été inclinés par l’exercice libre et lucide de leur raison.

Demain, des millions de Charlie, qui forment la grande majorité des électeurs, se rendront dans les bureaux de vote, en procession, le regard fiévreux (car l’admission du mensonge  à la longue rend malade), pour y accomplir un devoir sacré à leurs yeux : faire rentrer de nouveau dans sa tanière la bête immonde, dont le ventre est toujours fécond. Ils glisseront pieusement dans l’urne le bulletin sur lequel figure le nom du Sauveur.

 

François Belliot, 6 mai 2017


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